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Harcèlement sexuel et moral à Orange Cameroun : quand l’ex DRH alertait sur le cas Frédéric Debord

Le Directeur général sortant de l’opérateur de téléphonie français au Cameroun est englué dans des démêlés judiciaires dans le pays qu’il a quitté sur la pointe des pieds le 14 juillet dernier, et que son mandat a également été entaché par une affaire de mœurs que son entourage s’évertue à nier. Il s’est muré dans un silence coupable intuitu personae, laissant la compagnie prendre sa défense pour des faits d’une gravité dont l’écho résonne désormais à Madagascar où il a été redéployé comme nouveau Dg de la filiale du groupe Orange dans le pays. D’ores et déjà, le syndicat des salariés d’Orange Madagascar (S.M. OMA) l’a fiché persona non grata, alors que la maison-mère semble faire la sourde oreille sur cette affaire.

Dans son édition N°447 du mercredi 17 juillet 2021, le bihebdomadaire EcoMatin a révélé les grandes lignes d’un scandale managérial au sein de la compagnie de téléphonie mobile Orange Cameroun, impliquant directement son directeur général. Frédéric Debord. Il s’agissait, outre le dossier du licenciement abusif de la nommée Marie Agathe Sidonie Ngo Mbong, épouse Njock, alors Senior manager chargé des Relations avec les Institutions d’Orange Cameroun, pour le motif de détournement présumé de la somme de 9554 FCFA, d’une autre affaire se rapportant au harcèlement sexuel passé sous silence depuis ces dernières années. Elle mettait en scène l’ancienne Directrice des Ressources Humaines d’Orange Cameroun, Evelyne Enguelé qui se plaignait d’être l’objet d’appétits « libidineux » du Dg dès ses premiers mois au Cameroun. Cette ancienne cadre de la compagnie de téléphonie en était arrivée au point où elle dû porter l’affaire à la connaissance de la hiérarchie, en l’occurrence au pôle Afrique.

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J’ai ressenti un profond manque de respect pour la femme que je suis, poursuit-elle, qui n’a jamais eu besoin de « promotions canapés » pour réussir les missions qui étaient les siennes. J’ai trouvé cela dégradant, méprisant et surtout injuste que je sois « trainée dans la boue » pour avoir dit non à un homme »

La première correspondance de la DRH consultée par EcoMatin date de décembre 2018. Elle dénonce l’attitude de Frédéric Debord à son endroit, au DG d’Orange Middle East and Africa, Alioune Ndiaye. Ce dernier indique qu’une procédure disciplinaire est en cours. Le 28 mars 2019, Evelyne Enguelé va revenir à la charge dans une autre correspondance avec pour objet : « Mon licenciement déguisé – Plainte pour harcèlement moral et sexuel ». Cette fois, elle se plaint des manœuvres entreprises par le Dg d’Orange Cameroun pour la mettre à l’étroit après un congé maladie de 4 mois. A son retour, son véhicule de service lui sera retiré, sa ligne téléphonique professionnelle suspendue, la serrure de son bureau changée et son remplaçant recruté. Pour cette dame, il s’agit purement et simplement d’un acharnement contre sa personne qui résulte de son impassibilité aux avances du Dg. « En effet, à peine un mois et demi après son arrivée, Il m’a clairement signifié que pour que l’entreprise fonctionne, le Directeur Général et son DRH doivent être proches voire intimes », écrit Evelyne Enguelé. « J’ai ressenti un profond manque de respect pour la femme que je suis, poursuit-elle, qui n’a jamais eu besoin de « promotions canapés » pour réussir les missions qui étaient les siennes. J’ai trouvé cela dégradant, méprisant et surtout injuste que je sois « trainée dans la boue » pour avoir dit non à un homme ». Dans cette correspondance, la DRH annonce son intention de déposer une plainte contre Monsieur Frédéric Debord « pour harcèlement moral et sexuel auprès des juridictions territorialement compétentes au Cameroun et en France » où sera établie sa résidence désormais. Contacté par EcoMatin, une source à Orange Cameroun confirme l’existence de cette affaire qui a pu être enterrée en interne sans en faire un scandale. « Une entente aurait été trouvée avec Mme Evelyne Enguelé qui aurait dans un premier temps été affectée à Orange Normandie en France, avant d’être redirigée vers une autre multinationale grâce à des recommandations de Fréderic Debord » explique notre source.

« Sur le coup, il s’est également joué de la justice camerounaise car étant sous le coup d’une poursuite judiciaire, sa sortie du territoire camerounais devenait hypothétique. Autant dire que le prévenu a plutôt été exfiltré »

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Un départ du Cameroun sur la pointe des pieds

Pour cette affaire, EcoMatin avait d’ailleurs entrepris de contacter les services d’Orange Cameroun pour en savoir davantage, mais ses multiples requêtes en direction du DG sont restées lettre morte. Son entourage s’est plutôt vautré derrière des manœuvres qui couvraient en effet le départ imminent de Frédéric Debord. En effet suite à nos demandes d’informations, un collaborateur du DG va nous arranger un rendez-vous avec ce dernier pour le 15 juillet 2021. Or dans la foulée, EcoMatin est informé par une source interne le 12 juillet, que M. Debord a offert en toute discrétion, un toast à ses proches collaborateurs en guise d’au revoir, la date de son départ étant prévue pour le 14 juillet. Sur le coup, il s’est également joué de la justice camerounaise car étant sous le coup d’une poursuite judiciaire, sa sortie du territoire camerounais devenait hypothétique. Autant dire que le prévenu a plutôt été exfiltré.

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Indéfectible soutien de la maison Orange

Après parution de l’article d’EcoMatin, la compagnie de téléphonie mobile a commis un communiqué le 14 juillet dernier, dans lequel elle dénonce « une campagne de dénigrement » contre son Dg, orchestrée par d’anciens employés de la maison.

Une sortie qui tend à démentir les accusations de harcèlement contre le Dg d’Orange Cameroun. L’entreprise est restée dans le déni de cette affaire, et ne s’est pas arrêtée de continuer de manœuvrer pour l’étouffer définitivement. Dans un article paru sur le site de nos confrères de Digital Business Africa, un cadre du cabinet du Dg d’Orange continue de battre en brèche ces accusations de harcèlement. D’après le site d’informations, le groupe Orange a confirmé son soutien à Frédéric Debord qui cumule plus de 20 ans d’expérience à la tête d’importantes sociétés de téléphonie mobile en Amérique, en Europe et en Afrique. « Le groupe Orange n’a pas souhaité le perdre à la fin de la durée que lui autorise la loi au Cameroun. D’où sa nomination comme directeur général d’Orange à Madagascar pour clouer le bec à ses détracteurs », écrit le journal.

« Le groupe Orange n’a pas souhaité le perdre à la fin de la durée que lui autorise la loi au Cameroun. D’où sa nomination comme directeur général d’Orange à Madagascar pour clouer le bec à ses détracteurs »

Orange Cameroun est donc restée constante dans cet exercice, et a multiplié des astuces pour protéger son Dg. D’ailleurs, l’une des rares réponses obtenues par EcoMatin d’un cadre de la structure pendant son enquête, après avoir appris que le Dg s’apprêtait à quitter le Cameroun, était qu’ « il va en congé ». Jusqu’à ce que le conseil d’administration de ses filiales tenu à Casablanca au Maroc le 27 juillet dernier, procède à des réaménagements et que ce dernier soit affecté à la tête de la filiale d’Orange à Madagascar, et remplacé au Cameroun par Patrick Benon, celui-ci en provenance d’Orange Botswana.

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L’indignation de Madagascar

La nomination de Frédéric Debord comme nouveau directeur général d’Orange Madagascar a provoqué un tollé du côté de la Grande Île où les habitudes n’intègrent pas les questions de mœurs. Alertée par les révélations d’EcoMatin, la presse malagasy, en l’occurrence « La Gazette de la Grande Île » crie haro sur le baudet et titre dans son édition du 29 juillet, « Orange Madagascar : le futur DG pervers sexuel », ouvrant ainsi le débat sur l’opportunité de son arrivée dans ce pays.

Alertée par les révélations d’EcoMatin, la presse malagasy, en l’occurrence « La Gazette de la Grande Île » crie haro sur le baudet et titre dans son édition du 29 juillet, « Orange Madagascar : le futur DG pervers sexuel »

Le syndicat des salariés d’Orange Madagascar (S.M. OMA) saisit la balle au bond et monte au créneau. Dans une lettre adressée le 30 juillet dernier au Directeur des ressources humaines de cette filiale du groupe Orange, le syndicat exprime son inquiétude à la suite de la nomination de M. Debord comme leur nouveau patron. « Les employés de Orange Madagascar (OMA) sont consternés par l’arrivée prochaine de leur futur DG accusé pour un sujet pour le moins honteux et très sensible pour les Malagasy qu’est le harcèlement sexuel », lit-on dans cette correspondance avec copie au responsable Afrique du groupe Orange. Et de renchérir : « OMA est en train de décoller à nouveau après la pandémie de Covid-19, comme tous les pays, et après la crise politique à Madagascar, nous avons plus que jamais besoin d’un *bon leader* sans mauvais antécédent pour garder l’image du groupe et contribuer efficacement et de façon intègre au redressement de l’économie du pays en général ». Il va sans dire que le nouveau manager d’Orange Madagascar n’est clairement pas le bienvenu dans la Grande Île. «Nous demandons donc l’avis du groupe sur cette affaire, et de suspendre d’abord la nomination de Monsieur Frédéric Debord à Madagascar jusqu’à l’obtention de la décision du tribunal » écrit S.M. OMA. Mais jusqu’ici, la maison mère semble ignorer cette réalité en lui réaffirmant vaille que vaille son indéfectible soutien.

Nous demandons donc l’avis du groupe sur cette affaire, et de suspendre d’abord la nomination de Monsieur Frédéric Debord à Madagascar jusqu’à l’obtention de la décision du tribunal »

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Bilan reluisant

En dépit de la réputation de « bad boy » qui lui colle désormais à la peau, Frédéric Debord a su tenir le gouvernail de la barque Orange Cameroun durant son magistère à la tête de cette filiale entre février 2018 et juillet 2021. Il a travaillé à accroître le nombre d’abonnés chez l’opérateur français, passant de 6,9 millions d’abonnés en 2018 à 9,26 millions en 2020. L’année dernière, Orange Cameroun a enregistré des revenus de l’ordre de 216,38 milliards de Fcfa, en hausse de 5,16% sur ceux réalisés en 2019. L’opérateur revendique par ailleurs une couverture nationale en 3G de 79% à fin 2020, en termes de qualité internet.

René Ombala

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